Depuis l’antiquité, le moulin est avant toute chose un bâtiment-machine, une invention révolutionnaire destiné à soulager les besoins croissants de l’homme en énergie pour transformer la matière. Avec comme équipement la paire de meules à grain (a macina en italien) mue par la force mécanique délivrée par une roue hydraulique, c’est la première machine dotée d’automatismes rudimentaires. Pour accompagner le service et le développement de ces nouvelles activités, dès le Moyen-âge, de nouveaux métiers sont inventés ; celui de mécanicien (d’abord mécaniciens de moulins) et d’ingénieurs (d’abord enginieurs) qui créent du matériel adapté et des procédés de construction innovants. Notre industrie nationale s’est très largement développée à partir de sites de moulins hydrauliques. C’est donc un bien patrimonial précieux chargé d’une grande partie de notre histoire économique, technique, sociale, un élément structurant de nos paysages.

 Il y a 12 siècles, l’avènement et développement de l’énergie hydraulique.
Notre civilisation industrielle actuelle prend son expansion il y à 1200 ans, avec la domestication systématique de l’énergie hydraulique. Une énergie renouvelable, décentralisée à l’extrême, intermittente, exploitée par les moulins et usines hydrauliques, auprès des moindres lieux habités d’Europe occidentale.

L’utilisation écologiquement intégrée de l’énergie hydraulique génère de nouvelles formes techniques, tant pour la capter, l’acheminer, l’utiliser et en abriter l’activité de transformation.

Au Moyen-âge, cette vague de fond touche toute l’Europe Occidentale et surtout le territoire de la France. C’est que Jean Gimpel à appelé la Révolution Industrielle du Moyen-âge. Puissants intégrateurs de vie sociale, les moulins ont animé toutes les rivières du continent européen. Ces bâtiments-machines, nouveaux venus dans le paysage, s’adaptent aux caractéristiques sociales, environnementales et aux ressources locales à valoriser et à transformer. Ils façonnent aussi les rapports de l’homme à l’énergie, donnant à la société des moyens de dominer son environnement, alors inconnus jusque là. L’assujettissement physique des hommes, en est allégé, du temps se dégage pour d’autres tâches, et la libération de la pensée s’accélère.

Indissociables de notre identité française et européenne les moulins, avec leurs accessoires (chaussée, canaux, ouvrages hydrauliques et machines) continuent aujourd’hui de nous interpeller sur notre histoire et notre vie contemporaine. Depuis l’époque carolingienne, ils ont été des acteurs de la sauvegarde de la biodiversité des milieux aquatiques. Ils participent à la maîtrise hydraulique, économique et écologique de nos cours d’eau. Ce sont des acteurs du développement durable et des énergies renouvelables (eau, vent et force musculaire) en parfaite harmonie avec leur écosystème.

Les moulins : aux origines de la grande industrie.
Enfin, nous devons aux moulins et usines hydrauliques l’avènement de la grande industrie  et la  révolution énergétique la plus achevée, celle de la production massive d’électricité. Cette dernière n’a été possible que grâce à la turbine hydraulique et son cortège innombrable d’applications. L’Europe s’est ainsi dotée d’un premier niveau de l’armature économique et industrielle en s’appuyant dès l’origine sur plusieurs centaines de milliers de sites de moulins hydrauliques. Au XVIIIe et XIXe siècle, elle a pu compter sur un parc global de plus de 500 000 moulins.

Au service de plus de 170 métiers différents, répartis dans 11 branches d’activités économiques, les moulins  ont permis la fabrication de presque tous les objets techniques de notre quotidien et de notre alimentation. Cette richesse et diversité des moulins s’expriment tant par l’évolution et la grande variété de leurs mécanismes, que par les formes prises par leur architecture, leurs enveloppes bâties, la modification des sites géographiques qu’ils occupent, les métiers et les paysages qu’ils ont façonnés. Les édifices hérités de cette révolution demeurent sur le plan culturel, les éléments fondateurs, la base du patrimoine industriel occidental.