un élément identitaire d’un territoire à valoriser.
Le patrimoine industriel est un patrimoine essentiel à la compréhension du monde moderne, de notre société contemporaine. Il est le témoin matériel de l’évolution technique, l’outil qui permit l’avènement du monde moderne. Il a permis la maîtrise de l’espace, la transformation de la matière, et l’avènement d’une société et d’une civilisation industrielle qui structure notre environnement. Les notions d’ « Industrie », et de « Patrimoine industriel » ne peuvent s’entendre sans la prise en compte de celle d’ « énergie », qui leur est intimement associée. La transformation de la matière ne peut se concevoir sans elle. Cela permet d’éclairer la dénomination de notre site.
Les bouleversements du charbon aux XVIIe et XIX siècle.
Au cours du XVIIe siècle en Angleterre et en Grande-Bretagne, la faiblesse du nombre de sites hydrauliques, vite saturés, leur puissance limitée, et la présence fortuite de très gros gisements de charbon, donnent naissance à nouvelle forme d’énergie, la vapeur. L’architecture se métamorphose, les grands ensembles bâtis industriels apparaissent et l’extension rapide du réseau ferré permet de bénéficier du charbon dans les régions qui en sont dépourvues.
Fin du XIXe siècle. L’avènement des turbines hydrauliques et de l’électricité.
La fin du XIXe siècle se caractérise par une soif d’énergie toujours plus grande. Invention française due à Benoît Fourneyron, apparue en 1827, la turbine hydraulique va permettre une valorisation énergétique maximale des chutes d’eau, accompagner et accélérer l’industrialisation de la France et du monde occidental. Sur les rivières le moindre kW est exploité. Cette nouveauté prépare, l’avènement et le développement d’une nouvelle énergie révolutionnaire : l’électricité, d’abord hydro-électricité. De nombreuses usines hydrauliques se modernisent et livrent cette nouvelle énergie. Cette dernière bouleverse ensuite notre économie, permet la création d’un monde résolument en rupture avec les siècles passés. L’électricité permet le transport de l’énergie sur de longues distances. Les moulins et usines qui détenaient le pouvoir de transformer la matière sur place grâce à l’énergie naturelle exploité en direct, se trouvent progressivement et injustement marginalisé. Le monde urbain peut ainsi prendre le contrôle de territoires de plus en plus vastes.
De la « Friche industrielle » au « Patrimoine industriel » :
Un patrimoine rare, à mettre résolument en valeur et à faire vivre.
Le patrimoine industriel et les moulins sont le reflet d’une évolution matérielle et énergétique, unique dans l’histoire de l’humanité. Ils sont à l’origine de techniques, de machines, d’architectures et d’espaces d’une grande originalité et rareté. Ils ont modifié durablement les paysages de nos territoires, rivières, vallées les plus reculées, de nos bourgs, villes et campagnes.
C’est d’abord en Europe puis sur d’autres continents que le mouvement d’industrialisation massive s’est déroulé au cours des XIXe et XXe siècles. Les témoins de ces activités doivent bénéficier de toute notre attention. Beaucoup de bâtiments, de machines de production, d’archives d’entreprises, de plans, de photos, d’outillage, sont détruits sans discernement. Nos contemporains ont longtemps perçu les anciennes usines, manufactures, fabriques comme des « friches industrielles », à éradiquer, des « taches » dans le paysage de nos villes et campagnes. De ce fait ce patrimoine est de plus en plus rare. Les enveloppes bâties des usines, les systèmes de captation et de transport d’énergie, les machines non reproductibles, sont des trésors à préserver et à valoriser d’urgence avec respect. L’élément le plus menacé reste celui de la mémoire humaine.
Mémoires d’hommes : des acteurs en voie de disparition.
D’ici dix ans ce sera fini! Les derniers acteurs de la civilisation industrielle auront disparu à jamais. Il ne sera plus possible de comprendre ce monde d’avant l’invasion informationnelle, le monde d’avant le numérique. Un monde dans lequel toute l’intelligence de l’homme reposait directement sur celle de son esprit, et de tout son corps, pour travailler au quotidien. Un monde dans lequel on ne sous-traitait pas son intelligence à des prothèses électroniques. La langue de milliers de métiers sera elle aussi perdue.
Nous assistons, bouche bée, sans nous émouvoir, à une rupture majeure de notre histoire, à la fin d’une civilisation industrielle et à la disparition des ouvriers qui ont construit notre environnement. Les témoins survivants sont en très faible nombre et il faut recueillir leur parole de toute urgence. Qui pourra parler ensuite d’histoire industrielle de l’Europe avec pour seule documentation des archives papier lacunaires, quelques plans, de vielles photos, mais plus de lieux, de bâtiments, de machines et de témoignages d’acteurs ?